Penser les mots

samedi, janvier 17, 2009

Appel des appels, pétitions des professionnels du soin, du travail social, de l'éducation, de la justice

APPEL DES APPELS (signer : http://www.appeldesappels.org/) :

Réunion de coordination le 31 janvier, qui aura lieu, de 10 h à 18 h, au "104 rue d’Aubervilliers :
S’inscrire à la journée du 31 janvier par courriel

« Nous, professionnels du soin, du travail social, de l'éducation, de la justice, de l'information et de la culture, attirons l'attention des Pouvoirs Publics et de l'opinion sur les conséquences sociales désastreuses des Réformes hâtivement mises en place ces derniers temps.
A l'Université, à l'École, dans les services de soins et de travail social, dans les milieux de la justice, de l'information et de la culture, la souffrance sociale ne cesse de s'accroître. Elle compromet nos métiers et nos missions.
Au nom d'une idéologie de "l'homme économique", le Pouvoir défait et recompose nos métiers et nos missions en exposant toujours plus les professionnels et les usagers aux lois "naturelles" du Marché. Cette idéologie s'est révélée catastrophique dans le milieu même des affaires dont elle est issue.
Nous, professionnels du soin, du travail social, de l'éducation, de la justice, de l'information et de la culture, refusons qu'une telle idéologie mette maintenant en "faillite" le soin, le travail social, l'éducation, la justice, l'information et la culture.
Nous appelons à une Coordination Nationale de tous ceux qui refusent cette fatalité à se retrouver le 31 janvier 2009 à Paris. »

Roland Gori et Stefan Chedri

176 premiers signataires ont soutenu cet Appel des appels le 9 janvier 2009

Article de Médiapart du 10 janvier :
Après les pétitions, place à l'action. Le 31 janvier, de 10 heures à 18 heures, les initiateurs d'une trentaine de pétitions telles que «Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans», «Non à EDVIGE», «Sauvons la recherche» ou «Réseau éducation sans frontières» (voir la liste complète sous l'onglet Prolonger de cet article) se rassembleront au 104 de la rue d'Aubervilliers à Paris, pour déterminer l'ensemble les actions à mettre en œuvre pour alerter sur «les conséquences sociales désastreuses des réformes hâtivement mises en place ces derniers temps tant à l'université qu'à l'école, ou dans les services de soins et de travail social, dans les milieux de la justice, de l'information et de la culture».

> La convergence des multiples inquiétudes catégorielles réveillées à la suite des réformes engagées ou annoncées de l'Education nationale, l'audiovisuel public, la santé, la justice... commence à s'opérer.

> Ce rassemblement est initié par Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie à l'université d'Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône) et Stefan Chedri, psychanalyste et enseignant à l'université de Paris-IV.

> Cette convergence se traduit d'ores et déjà par un texte commun, l'appel des appels, qui n'entend pas seulement s'en prendre au travail du pouvoir en place, mais plus largement critique l'«idéologie de "l'homme économique"» au nom de laquelle «le pouvoir défait et recompose nos métiers et nos missions en exposant toujours plus les professionnels et les usagers aux lois "naturelles" du marché».

> Pour les pétitionnaires, elle est à l'œuvre – notamment et en vrac – dans les nouveaux programmes scolaires et l'aide personnalisée à l'école, dans le statut de l'enseignant-chercheur et le démantèlement du CNRS, dans la tarification à l'acte à l'hôpital, dans la remise en cause des modalités de l'hospitalisation d'office en psychiatrie, etc. Et de façon moins catégorielle, on la retrouve aussi dans le dépistage précoce des "troubles du comportement" chez l'enfant. Pour Roland Gori, les divers dispositifs visent à «l'apprentissage à la servitude volontaire».

> Ce rassemblement, auquel un certain nombre d'artistes et d'intellectuels se sont d'ores et déjà associés, n'est pas sans rappeler l'appel à la désobéissance civile, initié en février 1997 par 66 cinéastes et professionnels de l'audiovisuel en faveur des sans-papiers et qui, fort de dizaines de milliers de signatures, a contraint le gouvernement à retirer le projet de loi Debré sur l'entrée et le séjour des étrangers.

> Ou encore l'appel contre la guerre à l'intelligence, initié en février 2004 par les Inrockuptibles (et Nicolas Demorand), qui entendait lui aussi fédérer «tous ces secteurs du savoir, de la recherche, de la pensée, du lien social, producteurs de connaissance et de débat public» contre «les attaques massives révélatrices d'un nouvel anti-intellectualisme d'Etat». (Remarquez ci-contre, qu'à cette époque, la Une des inrocks était partagée avec Carla Bruni...)

> Ce rassemblement interviendra en tout cas au lendemain de la soirée pour la liberté de l'information organisée le 30 janvier au théâtre du Châtelet, à Paris, à l'initiative de six titres de presse: Mediapart, Le Nouvel Observateur, Marianne, Charlie Hebdo, Rue 89 et Les Inrockuptibles. Et deux jours après la manifestation du 29 janvier où les organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA se mobiliseront pour que les salariés, les demandeurs d'emploi et les retraités ne restent les premières victimes d'une crise «dont ils ne sont en rien responsables». Le gouvernement peut donc se préparer à une fin de mois difficile

Sophie Dufau

Journaliste

mercredi, novembre 08, 2006

14 novembre 2006, colloque INSERM : Troubles des conduites : de la pratique à la recherche

Trouble des conduites : de la pratique à la recherche
- Maison de la Mutualité, salle Jussieu, 75005 Paris

A la suite de l’expertise collective Trouble des conduites de l’enfant et de l’adolescent, le
Ministre de la santé a souhaité organiser, sous l’égide de l’Inserm, un débat réunissant les
différents professionnels concernés et les associations.
Ce colloque doit permettre aux uns et aux autres d’échanger sur leurs pratiques et leur
expérience afin d’enrichir les connaissances dans le domaine, d’améliorer la prise en charge
et de créer les conditions d’une recherche multidisciplinaire.

Principe d'organisation
. 3 sessions, de chacune 2 interventions longues [20 minutes] et 3 ou 4 interventions courtes [5 minutes],
. une table ronde de 11 personnes,
. chaque session et table ronde est suivie par des échanges avec la salle [30 à 35 minutes].


Avant programme
8h30 - Accueil des participants
9h - Ouverture
9h10 - Introductions
Christian Bréchot, Directeur général de l'Inserm, Paris
Jean-Marie Danion, Professeur de psychiatrie, Directeur de l'unité Inserm 666, Strasbourg
9h30 - Quel abord épistémologique de la notion de Trouble des conduites ?
Modérateur de la session : Marcel Rufo

Interventions longues :
Claude Bursztejn
Alain Ehrenberg
Interventions courtes :
Jean Garrabé
Roger Misès
Karen Ritchie

11h - Quelles sont les pratiques actuelles de prise en charge ?
Modérateur de la session : Paul Bizouard

Interventions longues :
Nicole Garret-Gloanec
Jean-Louis Daumas
Interventions courtes :
Philippe Jeammet
Olivier Revol
Yvonne Coinçon
Bernard Golse

12h30 - Pause déjeuner
13h30 - Quelles sont les pratiques actuelles de prévention ?
Modérateur de la session : Pierre Delion
Interventions longues :
Bruno Falissard et Gérard Schmit
Christine Bellas-Cabane
Interventions courtes :
Xavier Lainé
Bernard Durand
Sylviane Giampino

15h - Des pratiques à la recherche : une approche interdisciplinaire.
Animateur de la table ronde : Charles Aussilloux

Intervenants :
Catherine Barthélémy
Francine Hirtz
Martine Bungener
Christine Gétin
Corinne Ehrenberg
Paul Jacquin
Bertrand Escaig
Grégory Michel
Viviane Kovess
Jean-Pierre Rosenczveig

16h45 - Synthèse, perspectives et propositions de recherche.
Jean-Claude Ameisen, Président du comité d'éthique de l'Inserm, Paris
Jean-Marie Danion, Professeur de psychiatrie, Directeur de l'unité Inserm 666, Strasbourg
17h15 - Clôture Mardi 14 novembre 2006

samedi, mai 27, 2006

UPSY - Union nationale des étudiants pour la liberté des pratiques psys

UPSY - Union nationale des étudiants pour la liberté des pratiques psys
url: http://upsy.bb-fr.com/index.forum

Texte de présentation:

Changement de nom, élargissement du champ d’action de la coordinationnationale des étudiants psyLa coordination étudiante a changé de nom pour élargir son champd’action, l’article 52 et ses projets de décret n’étant que la partieimmergée de l’iceberg : en effet le danger réside plus largement dans la standardisation et la protocolisation de nos pratiques cliniques.

Afin de nous y opposer, nous avons décidé d’élargir nos perspectives pour nepas tomber dans le piège de nous focaliser uniquement sur les décrets del’article 52, indices d’un malaise plus général dans le champ sanitaireet social.
Nous sommes ainsi devenu : UPSY - Union nationale des étudiants pour laliberté des pratiques psysPour le moment, UPSY représente les universités d’Aix-Marseille, Angers(les 2), Lyon, Nice, Paris 7, 8 et 13, Rennes, Strasbourg, Toulouse etTours, ainsi que les groupes étudiants Dix-it et Psy-Mund (Paris/Ile-deFrance), autrement dit 14 groupes étudiants.

Définition
UPSY est un collectif interuniversitaire qui se propose de centraliserla mobilisation étudiante dans le champ psy contre la standardisation etla protocolisation de nos pratiques quel qu’en soit le vecteur, etnotamment par le biais de la formation.
Nous informons les étudiants des dérives liberticides dont l’époque est propice au travers des législations et réglementations diverses qui nous touchent, et touchent une certaine conception de l’homme et du lien social.
Surtout, il s’agit de faire entendre d’une seule voix, et de façon représentative, la position des étudiants psy concernant ces diverses réglementations, loi ou rapports susceptibles de transformer nos disciplines psy et notre pratique à venir.
Dans ce but,UPSY pourra êtreamenée à articuler son action avec celles de différentes organisationsde professionnels.
Par ailleurs, notre point de rencontre est politique, de sorte à ce que l’hétérogénéïté de nos formations ne nous divise pas,mais au contraire enrichisse les débats.

Enfin, UPSY a vocation à prendre position tant au niveau national quelocal, qu’il s’agisse de réagir à des lois qui transforment lesconditions de nos pratiques, ou de soutenir les étudiants là où leursformations d’orientation psychanalytique - et plus généralement celles qui privilégient une clinique du sujet - sont menacées.Pour autant, UPSY ne se substitue pas aux collectifs ou associationsdéjà constitués dans les différentes universités (ou formations) qui maintiennent leur indépendance de réflexion, de stratégie et d’action au sein de chaque université et en fonction de ses particularités.

Pétition Sauver le Laboratoire de recherche en psychopathologie clinique de Paris 13

Suite à la fermeture du Laboratoire de recherche en psychopathologie clinique
à paris 13 puis aux nombreuses démarches des étudiants de Paris 13 pour sa réouverture...

En savoir plus:http://upsy.bb-fr.com/viewtopic.forum?t=1

Upsy lance une pétition pour soutenir la demande des étudiants de Paris13 pour que le vote concernant la demande d’habilitation du laboratoire de psychologie figure à l'ordre du jour du 30/05/06 du CS.

Merci de signer la pétition:
http://psyapsy.org/petition/?petition=3

vendredi, février 17, 2006

PETITION : TITRE DE PSYCHOTHÉRAPEUTE : NON À L’ARTICLE 52

Ce projet scandaleux pour de nombreux professionnels nous empêchera nous en tant que psychologue clinicien de pratiquer la psychothérapie.
De plus l'état se donne le droit de trancher sur ce qui est une psychothérapie et donc ce qu'il n'est pas alors que c'est encore un débat épistémologique et théorique. En tant que psychologue clinicien ou futur, il est important de s'opposer à un projet aussi absurde et péremptoire. Pour l'instant l'ensemble des personnes qui se mobilisent font circuler des pétitions. En en discutant avec plusieurs personnes impliquées dans ce combat nous nous sommes mis d'accord sur la qualité du texte de la pétition des associations et collectifs étudiants en psychologie clinique de Nantes, Rennes et Toulouse. Ainsi, il serait important de signer leur pétition avant le 21 février. Suite à votre signature vous recevrez un mail de confirmation.
De plus, je vous demanderez de transmettre cette pétition aux étudiants et professionnelles que vous connaissez !

La pétition: http://www.des-souris-dans-le-fromage.info/petition/index.php?petition=2

PETITION : Appel en réponse à l’expertise INSERM sur le trouble des conduites chez l’enfant

Le gouvernement prépare actuellement un plan de prévention de la délinquance qui prône notamment une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Dans ce contexte la récente expertise de l'INSERM, qui préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge, prend un relief tout particulier.
Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d'héritabilité (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ?
Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique anglo-saxonne. Avec une telle approche déterministe et suivant un implacable principe de linéarité, le moindre geste, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser au plus vite par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie.
A partir de six ans, l’administration de médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs devrait permettre de venir à bout des plus récalcitrants.
L’application de ces recommandations n’engendrera-t-elle pas un formatage des comportements des enfants, n’induira-t-elle pas une forme de toxicomanie infantile, sans parler de l’encombrement des structures de soin chargées de traiter toutes les sociopathies ? L’expertise de l’INSERM, en médicalisant à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif, psychologique et social, entretient la confusion entre malaise social et souffrance psychique, voire maladie héréditaire. En stigmatisant comme pathologique toute manifestation vive d’opposition inhérente au développement psychique de l’enfant, en isolant les symptômes de leur signification dans le parcours de chacun, en les considérant comme facteurs prédictifs de délinquance, l’abord du développement singulier de l’être humain est nié et la pensée soignante robotisée.
Au contraire, plutôt que de tenter le dressage ou le rabotage des comportements, il convient de reconnaître la souffrance psychique de certains enfants à travers leur subjectivité naissante et de leur permettre de bénéficier d’une palette thérapeutique la plus variée.
Pour autant, tous les enfants n’en relèvent pas et les réponses aux problèmes de comportement se situent bien souvent dans le domaine éducatif, pédagogique ou social. Cette expertise INSERM intervient précisément au moment où plusieurs rapports sont rendus publics au sujet de la prévention de la délinquance.
On y lit notamment des propositions visant à dépister dès les trois premières années de leur vie les enfants dont l’« instabilité émotionnelle (impulsivité, intolérance aux frustrations, non maîtrise de notre langue) (va) engendrer cette violence et venir alimenter les faits de délinquance ».
On assiste dès lors, sous couvert de « caution scientifique », à la tentative d’instrumentalisation des pratiques de soins dans le champ pédopsychiatrique à des fins de sécurité et d’ordre public. Le risque de dérive est patent : la détection systématique d’enfants « agités » dans les crèches, les écoles maternelles, au prétexte d’endiguer leur délinquance future, pourrait transformer ces établissements de lieux d’accueil ou d’éducation en lieux de traque aux yeux des parents, mettant en péril leur vocation sociale et le concept-même de prévention.

Professionnels, parents, citoyens, dans le champ de la santé, de l’enfance, de l’éducation, etc. :
- Nous nous élevons contre les risques de dérives des pratiques de soins, notamment psychiques, vers des fins normatives et de contrôle social.
- Nous refusons la médicalisation ou la psychiatrisation de toute manifestation de mal-être social.
- Nous nous engageons à préserver dans nos pratiques professionnelles et sociales la pluralité des approches dans les domaines médical, psychologique, social, éducatif… vis-à-vis des difficultés des enfants en prenant en compte la singularité de chacun au sein de son environnement.
- Nous en appelons à un débat démocratique sur la prévention, la protection et les soins prodigués aux enfants, dans un esprit de clarté quant aux fonctions des divers acteurs du champ social (santé, éducation, justice…) et quant aux interrelations entre ces acteurs.
Contact : contact@pasde0deconduite.ras.eu.org

Pour signer la pétition : Cliquer ici !

mercredi, janvier 25, 2006

Traduire Freud, Michel Luciani, agrégé d'allemand

Comprendre et traduire l'allemand de Freud
Freud emploie dans ses œuvres un vocabulaire parfois spécialisé, médical, mais il utilise le plus souvent des mots très courants en allemand ; il est vrai qu'il leur donne fréquemment un éclairage particulier, celui précisément de la psychanalyse, qui demande à être examiné avec soin : die Vorstellung, die Übertragung, die Verdrängung, la représentation, le transfert, le refoulement, sont des cas typiques. Traduire Freud, c'est, au-delà des mots, comprendre la globalité de son propos, car on ne traduit jamais des mots ni des phrases isolées, chez Freud encore moins qu'ailleurs. Ainsi, l'expression die Durcharbeitung der Widerstände c'est, mot à mot, le travail à fond des résistances ; il faut avoir compris toute l'idée freudienne pour traduire correctement par le désamorçage des résistances.
Disons-le d'emblée : le style germanique en général et celui de Freud en particulier rend parfois la tâche difficile. Il faut redire ici des évidences : On importe dans la langue d'arrivée les idées de la langue de départ, et non les mots, lesquels ne sont que les vecteurs des idées. Et ces mots peuvent avoir plusieurs sens, il faut donc choisir le bon ; en outre, un auteur — ici, Freud — peut se permettre de les employer dans de nouveaux contextes avec de nouvelles nuances, ce qui met à l'épreuve la sagacité du traducteur. Le terme de die Hilflosigkeit devra par exemple être rendu selon le contexte freudien par l'impuissance ou le sentiment d'impuissance. En langage administratif, il signifie l'état de dépendance, qui donne droit à une aide. Et dans Laienanalyse, le terme de Laien ne signifie ni laïque, ni profane mais pratiquée par des non-médecins. Enfin, Freud se sert souvent de la possibilité, inconnue du français, de former des mots composés, dont la compréhension peut être délicate, car il faut deviner par le contexte le lien qui unit les différents éléments.
Ainsi, die Urteilsverwerfung n'est pas un "jugement de condamnation" mais le rejet de la pulsion condamnée par le moi. La psychanalyse rend obligatoire la formation de quelques néologismes, tel que le clivage du moi pour rendre die Ichspaltung, ou abréaction pour die Abreaktion, on ne peut pas en faire l'économie. Mais une traduction de Freud en français ne doit pas devenir une langue hautement spécialisée, rendue ésotérique par la création de nombreux néologismes :
Le français doit être aussi clair pour un francophone que l'allemand de Freud l'est pour un germanophone. S'il va de soi que l'on traduit d'abord des idées et non des mots, le traducteur se réjouit aussi de pouvoir employer souvent le même terme français pour un même mot allemand, d'avoir donc une certaine stabilité du vocabulaire ; mais, répétons-le, stabilité n'est pas rigidité : Vouloir toujours traduire le même mot allemand par le même mot français, quel que soit le contexte, peut sembler pratique mais n'est pas pertinent et indique surtout une grande ignorance des mécanismes linguistiques. Ainsi, die Entwicklung pourra se traduire par développement, évolution, ou encore production au sens de naissance, par exemple dans production d'angoisse. Autre évidence : un adjectif allemand ne doit pas se traduire obligatoirement par un adjectif français, ni un substantif par un substantif. Les techniques de traduction sont exigeantes, mais le respect des catégories grammaticales n'en fait pas partie — simplement parce que la complexité des langues impose une grande souplesse à cet égard. Le sommet de l'absurde est atteint quand on traduit un mot composé allemand par deux substantifs reliés par un trait d'union, pratique impossible en français ; traduire das Wahrnehmungsbewußtsein par perception-conscience est un barbarisme doublé d'un non-sens (traduction correcte : la conscience dans sa fonction perceptive). On nous a objecté qu'il était inutile de reprendre la traduction du vocabulaire freudien : tout le monde, dit-on, est habitué aux anciennes formules et les comprend, même si la traduction est fautive (par exemple l'exécrable analyse laïque pour Laienanalyse) ou si le français est un peu malmené (par exemple l'abominable représentant-représentation pour Vorstellungsrepräsentanz).
Nous pensons quant à nous œuvrer pour tous ceux qui veulent découvrir l'allemand de Freud en le comprenant vraiment, ainsi que pour ceux qui n'acceptent pas que des néologismes barbares soient élevés au rang de concepts freudiens.

Les rubriques de ce site(
- le problème de la Laienanalyse chez Freud (traduction fréquente mais erronée : analyse laïque/profane).
L'auteur : Michel Luciani, agrégé d'allemand, professeur en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.